Cette année, une étrange tension parcourt les douze courts métrages sélectionnés en compétition américaine, comme le souffle discret d’un secret enfoui que nos protagonistes peinent à révéler. Mais comme tout secret, il finit par émerger, bouleversant l’équilibre du monde intérieur et extérieur de chacun de nos personnages principaux.
Le premier programme de courts métrages explore l’intimité des personnages au cœur du récit, en parcourant leurs luttes pour se libérer de leurs statuts, de leur passé ou de leurs conditions, comme en témoignent We’re Not Done Yet, où le désir de revivre la jeunesse fragilise une relation mère-fils, et Words of Her, qui suit une jeune femme tentant de renouer avec une mère sans cœur. Les héroïnes de The Non-Actor, quant à elles, trouvent dans l’absence d’un ami commun, un espace d’ouverture pour réécrire leur propre histoire. Avec We Were The Scenery, un couple témoigne de son expérience de guerre vécue en deux fois, d’abord dans la réalité, puis à travers une relecture hollywoodienne, montrant que le trauma s’inscrit dans la mémoire du corps. Dans No Bad Blood, le sujet s’exerce à annoncer à ses parents le poids d’un secret qu’elle porte en elle depuis des années, une charge qui ne peut se libérer que par la parole. Mais quand les mots font défaut et qu’il ne reste qu’un écran de solitude, il faut trouver un autre appui. C’est ce que révèle Metal, où la musique devient le lien salvateur vers une communauté qui pourrait bien devenir celle de notre héros.
Le deuxième programme de courts métrages célèbre l’importance d’une communauté, ou même d’un simple regard d’autrui, capable d’apporter un réconfort, ne serait-ce qu’éphémère, et peut-être l’espoir fou que tout ira bien. Dans September, All Over, un homme plus âgé prête attention à une jeune femme en rébellion avec son père, alors que dans Master of the House, la détresse d’une mère trouve refuge auprès d’une inconnue. Alors que l’héroïne de ce dernier film cherche désespérément à entrer dans une maison, le protagoniste de Trapped tente de sortir d’une école où il effectue le ménage, cherchant à mettre fin à une soirée qui ne cesse de le repousser dans ses retranchements. De son côté, le sujet d’Entre le Feu et le Clair de Lune se heurte aussi à des obstacles extérieurs qui l’empêchent de terminer son récit. Il compte alors sur sa fille, derrière la caméra, pour poursuivre la narration ensemble. Enfin, dans Georgette in the Garden, la véritable artiste derrière une œuvre inédite interpelle la restauratrice du tableau dans un élan moral : que faire d’un « chef-d’œuvre » souillé par un « grand maître » ? Agir, se révolter à sa manière, ne serait-ce qu’à travers un cri partagé, un F*ck That Guy lancé haut et fort, pour affirmer sa place, exister pour soi et dans le regard solidaire de l’autre et avancer, la tête haute.
Chantal Lian
Responsable des sélections américaines