"Franck et Bruno traversent le sud de l’Arizona des années 1870 comme autrefois Ulysse traversait la Méditerranée, condamnés par des entités supérieures à errer dans leur quête. À la sortie de prison de Franck, elle réside dans l’obscure volonté de prouver que Franck n’a pas provoqué la mort d’un musicien par ses actions. Mais leur recherche est rapidement dépossédée de son sens littéral pour devenir une observation des univers qu’ils traversent. Pas au sens spatial du terme, mais à travers l’idée que chaque décision qu’ils vont prendre va créer un nouvel univers qui va détruire les autres univers potentiels. Le but n’est rapidement plus la quête, mais l’observation des routes qu’empruntent les protagonistes. Nous suivons leur chemin le temps d’un moment qui aurait pu en être beaucoup d’autres. C’est ici que l’art intervient, seul capable de « peindre » ces univers potentiels et de garder une trace, une vision d’ensemble de cet univers unique qui a ou aurait pu exister. La forme épouse alors le fond de cette idée, chaque univers est différencié par un style d’animation unique, comme si les pinceaux devenaient l’illustration de l’infinité de réalités possibles.

Mais comme Ulysse, les deux protagonistes vont rencontrer des personnages pour les dévier de leur route. D’une jeune femme amérindienne qui souhaite se marier pour récupérer ses terres, à deux vendeurs que l’appât du gain a enfermés dans une boucle temporelle infinie, chacun est porteur de symboliques et fruit d’une trajectoire entreprise bien avant eux. Il en sort alors peut-être la vraie quête derrière ce film, tenter de décrire les trajectoires qui ont traversé l’Amérique et son territoire et qui ont contribué à façonner les erreurs et les défauts présents dans la société américaine d’aujourd’hui."

Antoine DOUX – Programmateur