Réflexion historique, excursion thématique dans le passé, aller à la rencontre de films emblématiques et fondateurs d’une certaine indépendance : rage de vivre, résistance, rébellion et liberté. Portée par les paroles d’un hit planétaire et libertaire ayant marqué la décennie 90 et au-delà, véritable hymne à la révolte et à l’émancipation, cette section s’est imposée comme une évidence : créer un espace de rencontres, de discussions et de fulgurances autour de l’amour et du désir filmés par des réalisatrices dans les années 1990. Une sélection de quatre longs métrages habités par la question de libérer le désir, interrogeant les représentations & le genre, quatre brillants regards féminins dont trois films lesbiens qui incarnent un moment culturel et artistique phare de cette décennie bouleversante et qui ont inspiré des générations entières d’artistes et de réalisatrices.
Premier et unique long métrage de l’artiste pluridisciplinaire Sophie Calle, No Sex Last Night, tourné en 1992, a été notre point de départ. En partance de New York à destination de la Californie, elle embarque caméra au poing avec Greg Shephard à bord d’une Cadillac et plante le décor de notre propre road trip à travers la décennie 90. Signé du nom des deux amants, No Sex Last Night est un docu-fiction sur leur intimité (ou plutôt sur leur absence d’intimité) qui donne davantage à voir leurs névroses que des paysages mythiques baignés par les lumières de l’Ouest. Ils se filment, il la délaisse, elle le désire. Une histoire d’amour et de (non) désir, un road trip expérimental, intime et sans concessions, une vidéo méta les réunissant à jamais, la fin d’une relation et le début d’une nouvelle ère.
Véritable succès au box-office américain à sa sortie en 1999, But I’m a Cheerleader de Jamie Babbit est une comédie romantique satirique qui s’inspire des procédés appliqués dans des camps de thérapies de conversion aux États-Unis. Œuvre majeure devenue culte – portée par un duo d’amoureuses magnifiquement interprétées par Natasha Lyonne et Clea DuVall et dans lequel apparaît la jeune Julie Delpy – But I’m a Cheerleader est un pamphlet politique détonant considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs films du cinéma d’auteur LGBTQ.
Nous quittons la Californie pour Philadelphie où Cheryl Dunye tourna en 1996 le mythique The Watermelon Woman dont le titre est ouvertement inspiré du film de Melvil Van Peebles, The Watermelon Man (1970). Œuvre emblématique du New Queer Cinema, le film explore l’histoire des femmes noires et lesbiennes dans l’industrie du cinéma puisque « nos histoires n’ont jamais été racontées ». Un brillant premier coup d’essai qui s’est de suite inscrit dans l’histoire cinématographique mondiale en tant que premier film réalisé par une cinéaste lesbienne afro-américaine.
Enfin, comme un retour aux sources, nos pérégrinations nous mènent à l’inestimable travail de Barbara Hammer, pionnière du cinéma lesbien. Avec Nitrate Kisses, son premier documentaire expérimental et révolutionnaire réalisé en 1992, elle révèle l’histoire invisible et refoulée des marginalisés, nous donne à voir des images jusque-là interdites, des vestiges perdus de la culture gay et lesbienne qu’elle mêle par un brillant jeu de montage à des séquences contemporaines.
Quatre œuvres indépendantes, puissantes et intemporelles.
Justine Lévêque – Directrice Artistique