Cette année, les onze courts métrages américains sélectionnés nous interrogent sur un héritage parfois trop lourd à porter dont les personnages des différents films tentent de se défaire, mais aussi de cet espace commun que nous construisons ensemble pour faire face au reste du monde.
Le premier programme nous replonge dans le paradis perdu de l’enfance, souvenirs lointains et brumeux qui entretiennent bon nombre de fantasmes, comme celui du personnage de Homesick réalisé par Will Seefried, cherchant à tout prix une renaissance heureuse à l’âge adulte ou le monstre de Chris Osborn, Gussy, imaginé par deux amis d’enfance, caché dans leur subconscient et cherchant désespérément à s’en échapper. La question de la violence portée à l’écran se pose dans Rated R de Reid Antin, où un jeune garçon est prêt à tout pour voir le nouveau film d’action interdit au moins de 17 ans. Dans Video Visit, un écran sert d’interface entre une mère, installée dans une salle de la bibliothèque de Brooklyn et son fils, prisonnier au centre pénitentiaire de Rikers Island. Malgré leur distance, la réalisatrice Malika Zouhali-Worrall les filme dans un même cadre, les réunissant le temps d’une rencontre virtuelle. La convocation des voix du passé et du présent sur un lieu commun, celui de la pellicule, est habilement menée par Sky Hopinka dans Kicking the Clouds, où la mémoire des ancêtres est vécue et traversée par les différentes générations d’une même famille. Derrière ce premier programme, s’éprouve le rôle du fils, d’une image à déconstruire-reconstruire, de l’attente derrière la masculinité, d’une structure contraignante, d’un héritage à confronter au présent.
Le deuxième programme explore les luttes intérieures des personnages jusqu’à la révélation d’un sujet, celles des « outsiders ». Dans Long Line of Ladies, les réalisatrices Rayka Zehtabchi et Shaandiin Tome retracent les étapes d’un rituel longtemps oublié, celui de la « danse des fleurs », passage à l’âge adulte des jeunes filles de la tribu Karuk. Grandir et assumer ses rêves sont au coeur de Hardcore Halbert de Riley Lynch où un jeune homme découvre le pouvoir libérateur de la musique. Devenir soi requiert un effort permanent, une manifestation du courage qui prend différentes formes, celle de se reconnaître dans l’autre, comme les deux protagonistes de Lucky Fish d’Emily May Jampel, de s’effacer d’une virtualité invasive comme le jeune homme de Cosboi de Gosha Shapiro, de transitionner pour se rapprocher de sa vérité dans My Parent, Neal de Hannah Saidiner ou d’affronter ses bourreaux comme les personnages de Starfuckers de Antonio Marziale.
Chantal Lian - Responsable des sélections américaines